Les motivations qui président au choix de la structure de l’entreprise sont variées. L’élément qui domine dans l’esprit du créateur d’entreprise est l’organisation du patrimoine de l’entreprise.

I) Les motivations patrimoniales

Les motivations patrimoniales sont présentes chez celui qui espère le succès de son activité et son enrichissement personnel ; elles sont plus manifestes encore lorsque le dirigeant réfléchit aux moyens de limiter les risques que présentent les différentes structures d’entreprises.

A) La prise en compte des risques et de la responsabilité

1) La recherche du profit personnel et de la sécurité

Le créateur d’entreprise est motivé par la volonté d’assurer sa réussite professionnelle. Souvent, il espère trouver dans l’entreprise le cadre d’un emploi stable et des opportunités de revenus réguliers, voire importants. Pour légitime qu’elle soit, cette disposition d’esprit implique une réflexion sur le type de structure favorable. En entreprise individuelle, on assure totalement le contrôle de son avenir professionnel ; mais il faut alors accepter de prendre des risques majeurs, puisque l’entrepreneur engage totalement son patrimoine pour garantir les dettes professionnelles.

2) Les aménagements de la responsabilité de l’entrepreneur individuel

Le législateur est bien conscient que cette règle peut détourner de la création d’entreprise des personnes qui ne manquent ni d’idées ni d’ambition, mais qui ne souhaitent pas prendre des risques patrimoniaux illimités en créant une entreprise. Pour cette raison, plusieurs textes ont aménagé le principe de l’engagement sans limite de l’entrepreneur individuel.

La loi du 11 février 1994 édicte plusieurs mesures dans ce sens : d’une part, il est permis à l’entrepreneur individuel d’obtenir de son banquier qu’il prenne seulement des garanties portant sur les biens « nécessaires à l’exploitation » ; d’autre part, en cas de saisie causée par une dette professionnelle, le commerçant peut opposer le « bénéfice de discussion », c’est-à-dire imposer au créancier de saisir en premier lieu les biens professionnels.

3) Les dispositifs écartant la règle de la responsabilité limitée en société

Le créateur d’entreprise peut craindre de connaître des difficultés professionnelles. On sait qu’un tiers des entreprises disparaît après seulement trois ans d’existence. Celui qui va jusqu’à envisager le risque de la cessation des paiements peut préférer se tourner vers la fondation d’une société. Les sociétés commerciales de capitaux (SA, SAS) et la SARL (ou l’EURL) sont en effet des structures dans lesquelles les associés n’engagent leur patrimoine qu’à hauteur des apports effectués.

En cas de besoin, pourtant, la pratique de la vie des affaires écarte cette règle sans mal. Que le dirigeant d’entreprise sollicite un prêt bancaire et le banquier exigera de lui une garantie : soit un cautionnement, par lequel il s’engage à se substituer personnellement à la société pour payer en cas de défaillance de celle-ci, soit une sûreté réelle, consistant à fournir un gage sur un bien meuble ou une hypothèque sur un immeuble, l’un ou l’autre saisissable si les échéances ne sont pas respectées.

Certes, les créanciers ne sont pas tous des professionnels du crédit. Le fisc, les organismes sociaux ou les fournisseurs n’ont pas la possibilité d’exiger des sûretés. La limitation de responsabilité dans le cadre d’une société reste donc un élément déterminant du choix de la structure.

B) Les préoccupations matrimoniales

S’il est marié ou uni par un PACS (Pacte civil de solidarité), la situation personnelle et familiale du créateur d’entreprise l’oblige à considérer l’éventualité de sa responsabilité personnelle en ayant la préoccupation de ne pas mettre en péril l’ensemble des biens du couple. Selon le régime matrimonial adopté, certains biens pourraient en effet être engloutis dans le passif commercial, pénalisant ainsi le conjoint.

1) Le régime de communauté légale

Ce régime matrimonial est adopté par ceux qui se marient sans passer de contrat devant notaire. Les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage, les acquêts, sont communs aux deux époux. Ils sont donc engagés par l’activité professionnelle de l’un et répondent des dettes professionnelles. Seuls les biens qu’il avait avant le mariage ou ceux qu’il reçoit à titre gratuit (par succession, par exemple) constituent des biens propres à chacun des époux, échappant aux poursuites des créanciers du conjoint.
On comprend que ce régime matrimonial est déconseillé à qui veut entreprendre seul ou dans le cadre d’une société faisant naître une responsabilité illimitée des associés.

2) La séparation de biens

Le régime conventionnel de la séparation de biens permet de dissocier très simplement les biens des époux. Ce qui est acquis par chacun, à titre onéreux comme à titre gratuit, avant comme pendant le mariage, lui appartient exclusivement. Si l’un des époux crée une entreprise individuelle, l’autre ne peut pas subir la saisie de ses biens en cas de difficulté dans l’exploitation. Dans le cas de création d’une société, les apports du créateur sont exclusivement réalisés à partir de ses biens propres. Ce régime matrimonial apparaît mieux adapté à la vie des affaires.
Le régime du PACS correspond à une transposition du régime de séparation de biens : chaque partenaire a la libre administration, la libre jouissance et la libre disposition des biens qu’il acquiert, sauf si le PACS a prévu un régime d’indivision.



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II) Les motivations sociale et fiscale

A) Le choix du statut social

Le niveau de protection sociale du dirigeant est une motivation qui peut guider le choix de la structure selon les avantages qu’elle procure. Sur ce plan, l’entreprise sociétaire offre des choix que ne donne pas l’entreprise individuelle.
Au regard de la sécurité sociale, le dirigeant de société est assimilé à un salarié dans certaines situations : s’il est à la tête d’une société de capitaux ou s’il est gérant non majoritaire d’une SARL. Dans ces cas, il bénéficie des assurances sociales complètes, au titre de la maladie, de la maternité, des accidents du travail, de la vieillesse. La seule protection qui ne lui soit pas accordée est l’assurance chômage.
En entreprise individuelle, l’exploitant est considéré comme un travailleur indépendant. C’est la même chose pour le gérant associé de SNC ou d’EURL, ou pour le gérant associé majoritaire de SARL. Dans tous ces cas, le dirigeant de l’entreprise n’est donc pas bénéficiaire des différentes prestations du régime général de la sécurité sociale. Il dépend d’un régime social spécifique et doit donc cotiser personnellement à des caisses d’assurances complémentaires pour obtenir un statut social satisfaisant.

Toutefois, la différence entre les différents régimes de protection sociale s’est nettement estompée. Désormais, les cotisations sociales acquittées par le salarié et ceux qui lui sont assimilés ne sont pas éloignées du coût des assurances – y compris les assurances volontaires – souscrites par les travailleurs indépendants. Ce critère de choix de la structure d’entreprise a ainsi perdu beaucoup de sa pertinence.

B) Le choix du régime fiscal

L’activité professionnelle est appelée à générer des profits qui donnent lieu à des prélèvements fiscaux. Le créateur d’entreprise doit prendre en compte les différents régimes d’imposition pour choisir la structure qui lui assurera une optimisation fiscale.

1) L’imposition de l’entrepreneur ou l’imposition de la société

Le droit fiscal prévoit deux régimes d’imposition des profits de l’entreprise : soit il taxe la personne physique au titre de l’impôt sur le revenu, soit il impose la société en tant que personne morale.
Le premier dispositif concerne l’entrepreneur individuel ainsi que certains dirigeants de société, associés de sociétés de personnes en particulier. Cet impôt sur le revenu (IR) frappe les bénéfices réalisés, selon un barème progressif dont la tranche supérieure est actuellement fixée à 40 %.
Le second dispositif consiste en un prélèvement proportionnel à hauteur de 33,33 % des bénéfices ; c'est l’impôt sur les sociétés (IS).

2) Les nombreux éléments du choix fiscal

La proportionnalité de l’IS comparée à la progressivité de l’IR laisse deviner que si les bénéfices sont importants, le poids de la fiscalité est relativement moindre dans le cas d’une structure sociétaire. L’IR pousserait à choisir l’entreprise individuelle si les bénéfices escomptés sont plus modestes.

Si ce raisonnement n’est pas dénué de bon sens, il ne peut pourtant orienter si simplement le choix de la structure. D’abord, la loi prévoit un régime de faveur et un taux réduit de 15 % de l’IS pour une première fraction des bénéfices annuels. Ensuite, en cas d’imposition à l’IR, les bénéfices perçus s’ajoutent aux autres revenus du foyer fiscal. Leur incidence sur le taux marginal de l’impôt peut être lourde s’il y existe d’autres revenus significatifs. D’un autre côté, l’IR peut être sensiblement allégé par l’application d’un quotient familial avantageux s’il y a des enfants ou d’autres personnes à charge au foyer.

En résumé, il est impossible de préconiser une forme juridique d’entreprise qui serait toujours intéressante au regard de la fiscalité. C’est à chacun de prendre en compte les divers paramètres en les rapprochant de sa situation personnelle et familiale d’une part, des profits attendus de l’entreprise d’autre part.



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III) Les objectifs liés à l’organisation de l’entreprise

A) Les motivations liées au fonctionnement de l’entreprise

1) Le pouvoir dans l’entreprise

Outre le cas de l’entreprise individuelle, certaines structures sociétaires offrent au dirigeant la possibilité d’exercer un pouvoir sans partage : il s’agit des sociétés unipersonnelles (EURL ou SASU). En dehors de ces cas, il faut se résoudre à partager le pouvoir, car le fonctionnement des sociétés dépend plus ou moins d’un consensus exprimant l’approbation des choix du dirigeant par les autres associés.

Le créateur qui choisit la forme juridique sociétaire doit savoir que son pouvoir sera à la hauteur de son engagement financier et des risques assumés, en tout cas dans les sociétés de capitaux et dans la SARL : lors des votes en assemblée générale, tout associé détient une quantité de droits de vote proportionnelle à ses apports.

Il en va autrement des décisions adoptées dans les sociétés de personnes comme la SNC. Là, la prééminence de l’intuitu personaese traduit par la règle de l’unanimité : en assemblée générale, les associés ont les mêmes pouvoirs que les autres au moment de voter en assemblée générale.

2) Les statuts et le rôle de la liberté contractuelle

La loi détermine assez précisément les pouvoirs des différents organes des sociétés commerciales. Le gérant de la SNC ou de la SARL, le président de la SAS, celui de la SA ou le directeur général, par exemple, sont tous investis de larges pouvoirs, mais dans la limite des prérogatives que les textes réservent aux autres associés, particulièrement au sein des assemblées générales.
Par ailleurs, la faculté de quitter une société dépend de son caractère fermé (SNC et SARL par exemple) ou ouvert (SA en particulier).
La loi a cependant prévu que les statuts, qui manifestent l’accord fondamental des associés, peuvent aménager l’organisation des pouvoirs dans la société, voire même les conditions de cession des parts sociales. Ce rôle des statuts est particulièrement affirmé dans le cas de la SAS, pour laquelle la loi se contente de préciser quelques règles essentielles de fonctionnement, en laissant les associés choisir librement la répartition des pouvoirs ou leur concentration entre les mains d’un seul dirigeant.

L’association est parfois le cadre d’activités commerciales isolées ou débutantes.

B) Les motivations financières

Fonder une entreprise est un acte qui exige un sens aigu du réalisme. Les ambitions de l’entrepreneur doivent prendre en compte les exigences de financement des stratégies envisagées.

Les structures ne sont pas toutes égales face à leur aptitude à faciliter ce financement. Celles qui sont constituées en rassemblant des capitaux importants, comme certaines SA, sont doublement avantagées : l’importance du montant de leurs capitaux propres rassure et elles obtiennent facilement des crédits. En revanche, les petites entreprises, qu’elles soient individuelles ou sociétaires, apparaissent comme des partenaires plus dangereux pour les banques. Le déblocage des crédits est alors conditionné par les engagements de l’entrepreneur ou du dirigeant. La modestie des possibilités financières est souvent un frein à la réalisation des objectifs, et peut à terme être l’élément qui empêche d’accéder au succès.



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