I) Les créanciers concernés par les difficultés de l’entreprise

Les règles appliquées à l’entreprise en difficulté ne négligent pas les intérêts des créanciers. Un certain réalisme impose de préserver la confiance des partenaires des entreprises, car elle est indispensable au bon déroulement de la vie des affaires.

A) Le paiement des créanciers

1) La diversité des situations

En cas de défaillance d’entreprise, nombreux sont les créanciers impayés : fisc, organismes sociaux, caisse d’assurance chômage, banquier(s), propriétaire des locaux loués par l’exploitant, fournisseurs, sous-traitants, etc. Encore ne s’agit-il là que des partenaires externes. Il convient d’ajouter, au sein même de l’entreprise, les salariés, dont les créances salariales et leurs compléments peuvent être mis en péril.

Lors de la mise en œuvre de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation de l’entreprise, il n’est pas toujours possible de payer intégralement tous les créanciers. La variété des créances est prise en compte dans l’organisation de leur paiement.
Le droit distingue entre les créances privilégiées et les créances ordinaires, dites « chirographaires ». Les premières bénéficient des faveurs de la loi, qui considère que leur paiement doit être prioritaire. C’est le cas par exemple des frais de justice et des sommes dues à l’État ou aux organismes sociaux, qui constituent des créances de la collectivité. C’est encore le cas des créances salariales au profit des travailleurs qui apparaissent comme les premières victimes impuissantes des dérives de l’entreprise. Les créances chirographaires sont détenues par les personnes ne jouissant d’aucun privilège, comme les fournisseurs ou les sous-traitants. On perçoit la fragilité de la situation de ces créanciers ordinaires : d’une part, le traitement des difficultés de l’entreprise risque de sacrifier leurs intérêts ; d’autre part, la liquidation éventuelle de l’actif ne permet pratiquement jamais de les payer.

2) Les créances nées après un jugement d’ouverture de procédure collective

Le législateur a accordé des avantages à ceux qui, par leur confiance dans l’entreprise en difficulté, contribuent à sa survie. Le fournisseur qui livre un client en cessation de paiements ou en sauvegarde, le banquier qui accepte d’accorder un crédit à une entreprise en danger, le sous-traitant qui accepte de continuer à livrer des biens indispensables à la production, sont des créanciers qui rendent plus accessible un plan de continuation ou de redressement.
D’un autre côté, ces partenaires de l’entreprise connaissent le régime de faveur que la loi leur accorde, et cela contribue à leur donner confiance dans le recouvrement de leurs créances.
Le dispositif qui les concerne est le suivant : alors que le paiement de toutes les créances nées avant le jugement d’ouverture de la procédure est suspendu jusqu’à la décision finale du tribunal, les créances nées après le début de la procédure sont payées à leur échéance normale. Par exemple, le fournisseur qui avait accordé un délai de 45 jours au débiteur recouvrera sa créance dans les temps, sans qu’elle soit bloquée comme l’est celle d’un fournisseur qui aurait accordé des facilités avant le dépôt de bilan ou l’ouverture de la sauvegarde. Si une aggravation des difficultés rendait impossible le paiement à la date prévue, le créancier bénéficierait alors d’un privilège, à mettre en œuvre au jour du règlement définitif de la situation.

B) Le sort des créanciers

1) En cas de continuation de l’entreprise

L’entreprise en difficulté continue son activité lors de l’adoption par le tribunal soit d’un plan de continuation, soit d’un plan de redressement. Dans ces circonstances, le jugement prévoit toutes les mesures possibles pour rendre surmontables à long terme – le plan pouvant être étalé sur 10 ans au maximum – les problèmes financiers du débiteur.
Les mesures arrêtées par la justice consistent en un report ou un rééchelonnement des échéances, une baisse des taux d’intérêt sur les emprunts, ou encore une réduction voire un effacement des dettes. La finalité de ces faveurs accordées au débiteur est la survie de l’entreprise.
En cas de besoin, la cession de l’entreprise ou de certains éléments de son actif peut intervenir pour dégager des liquidités facilitant la mise en œuvre du plan. Pour autant, les dispositifs légaux prévoient que les créanciers soient consultés avant l’adoption définitive des mesures. Si l’entreprise en difficulté est une PME, l’administrateur négocie directement avec les créanciers. Si l’entreprise en difficulté est une grande entreprise, des comités représentant les créanciers sont constitués afin de valider (à la majorité) les dispositions envisagées pour sauver le débiteur. En toute hypothèse, le rejet des propositions doit être pris en compte par le tribunal.


2) Les différents intérêts privés concernés

La liquidation de l’entreprise donne lieu à la vente, soit de gré à gré soit aux enchères, de tous les éléments de l’actif de l’entreprise. Le but est d’apurer le passif. Pourtant, l’objectif de règlement des créanciers n’est le plus souvent que partiellement atteint.
Le liquidateur répartit le fruit de la cession des actifs entre les créanciers, en tenant compte de l’ordre de paiement que le droit organise : d’abord les titulaires d’une créance privilégiée ou garantie par une sûreté, ensuite les créanciers chirographaires, qui se partagent le reliquat à proportion des montants respectifs de leur créance.
Il est fréquent que la liquidation fasse des insatisfaits, la valeur des actifs ne permettant pas d’apurer l’ensemble des dettes.
La procédure se termine par une décision du tribunal, qui décide de la clôture de la liquidation, éventuellement en constatant l’insuffisance d’actif.



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II) Les salariés dans les procédures collectives

A) Le maintien de l’emploi

Si l’objectif de la loi est de privilégier la survie de l’entreprise en difficulté, c’est dans le but de favoriser le maintien de l’activité, de l’organisation, et la sauvegarde du plus grand nombre d’emplois.
Les solutions de continuation, de redressement ou de liquidation peuvent être préjudiciables aux intérêts de certains créanciers, et aux intérêts des associés si c’est une société qui est liquidée ; elles peuvent même évincer le dirigeant en cas de cession de l’entreprise.
L’administrateur durant la phase d’observation, comme le tribunal lors du jugement d’adoption du plan ou de la liquidation, sont invités à choisir la solution qui permet de minimiser le nombre de licenciements, parfois indispensables pour éviter l’arrêt complet de l’exploitation. Dans cette optique, la cession de l’entreprise peut être décidée par le tribunal, aussi bien lors d’un jugement de redressement que lors d’une liquidation.

B) Les préoccupations financières

1) Le superprivilège des salariés

Les salariés ne sont pas seulement défendus par rapport au risque de perte d’emploi : ils sont eux aussi créanciers de l’entreprise en cessation de paiements à raison des salaires impayés, parfois dus pour plusieurs mois. Le caractère quasi alimentaire de ces sommes justifie qu’elles constituent une créance de tout premier rang. Le législateur a même instauré à leur profit une priorité sur les créances de l’État ou des organismes sociaux.

2) Le bénéfice de l’AGS

L’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) est un dispositif d’assurance obligatoire, souscrite par tout employeur, qui verse chaque mois une cotisation assise sur les salaires (taux de 0,10 % en juin 2009). L’AGS est sollicitée lorsque la cessation de paiements se fait dans des conditions telles qu’il n’est pas possible de payer les sommes dues aux salariés en intégralité, qu’il s’agisse de leurs salaires proprement dits ou d’autres créances nées de l’exécution du contrat de travail, ou de sa rupture (primes d’intéressement, participation, indemnité de congés payés, indemnité de licenciement, etc.). Pour pallier les insuffisances d’actif, l’AGS se substitue au débiteur défaillant et règle les créances des salariés nées avant le jugement d’ouverture ou les indemnités liées à la perte d’emploi.



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