Si le choix de la structure d’entreprise s’accomplit au démarrage de l’activité, l’évolution de l’entreprise peut nécessiter un changement de structure, spécialement en cas de croissance de l’organisation.

I) Les modalités d’évolution des organisations

Les motivations patrimoniales sont présentes chez celui qui espère le succès de son activité et son enrichissement personnel ; elles sont plus manifestes encore lorsque le dirigeant réfléchit aux moyens de limiter les risques que présentent les différentes structures d’entreprises.

A) La croissance des organisations

1) L’objectif le plus répandu

Si tout entrepreneur n’a pas l’ambition de devenir numéro un sur son marché, on observe que toute entreprise prospère, quelle que soit sa taille, croît, c’est-à-dire embauche du personnel et développe ses investissements. Si certaines organisations deviennent des firmes géantes, le phénomène de croissance ne se limite pas à ces développements exemplaires : la petite entreprise familiale qui ouvre un nouveau magasin ou encore une entreprise de dimension moyenne qui s’associe avec un partenaire sont aussi des organisations en croissance.

2) Les deux types de croissance

Les stratégies de croissance des organisations ne suivent pas toutes un même schéma.

B) L’apport en société de l’entreprise individuelle

Pour une entreprise individuelle, la voie normale de la croissance passe par l’adoption d’un statut de société : c’est le moyen de rassembler des compétences et des apports, d’accroître le potentiel financier et de partager les responsabilités.
L’entrepreneur individuel qui échafaude ce projet dispose d’une possibilité juridique très pratique : l’apport en société de son entreprise individuelle. Toute société commerciale admettant les apports en nature, il suffit à cet entrepreneur d’apporter le fonds de commerce à la constitution du capital.
S’il souhaite garder le contrôle total de l’activité, l’entrepreneur crée une société unipersonnelle ; s’il préfère s’associer à d’autres personnes, il apporte son bien à une société pluripersonnelle.

Dans tous les cas, le rôle et l’influence que l’ancien entrepreneur individuel aura dans la société dépendront de la valeur de son apport dans le capital et des parts sociales qui lui reviendront : à lui le contrôle de la société si le fonds de commerce représente la majorité des apports ; sinon, il devra accepter de partager le pouvoir avec les autres associés.

C) La modification de la forme sociale

1) De l’EURL à la SARL

Si la société apparaît plus naturellement encline à la croissance que l’entreprise individuelle, sa forme juridique constitue parfois un obstacle à l’application de cette orientation stratégique. L’EURL apparaît souvent comme une entreprise individuelle ayant revêtu l’apparence d’une société. Mais, pour les partenaires – et singulièrement les banquiers –, sa surface financière dépend exclusivement du crédit de l’associé unique. Qu’il n’accepte pas de s’engager totalement en accordant des garanties, que son patrimoine ne soit pas suffisant pour rassurer les prêteurs potentiels, et toute velléité de croissance est vouée à l’échec.

Pour développer une EURL, il suffit à l’associé unique de trouver des associés et de modifier les statuts de sa société pour en faire une SARL. L’entrepreneur initial a alors l’opportunité d’augmenter son capital et de moins dépendre de ses facultés de garanties personnelles. Il peut aussi s’adjoindre des personnes dont les compétences servent l’objectif de croissance poursuivi.

2) De la SARL aux sociétés de capitaux

La SARL est fréquemment constituée entre des personnes qui se connaissent bien et qui engagent des capitaux limités. Le développement d’une telle société est possible, mais il a des limites : par exemple, la loi limite à 100 le nombre d’associés. La croissance d’une SARL engendre donc le plus souvent une transformation de la personne morale, qui adopte la forme de SA ou de SAS. Certes, elle perd la composante intuitu personae qu’elle avait jusque-là, mais elle gagne en possibilité d’ouverture et d’augmentation du capital.



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II) Les préoccupations à l’origine de l’évolution des organisations

A) Les préoccupations patrimoniales

Si sa croissance explique que l’entreprise change de structure juridique, cette évolution de l’organisation trouve également sa source dans diverses motivations liées à la défense du patrimoine de l’entrepreneur.

1) La protection à l’égard des dettes professionnelles

La petite structure fonctionne seulement grâce à la responsabilité assumée par l’entrepreneur, qu’il s’agisse d’un entrepreneur individuel ou bien d’un ou de quelques associés fournissant des garanties pour obtenir des crédits.
Adopter le statut de sociétaire ou évoluer vers une société de capitaux, c’est s’assurer que la confiance des partenaires ne sera plus fondée sur la personne de l’entrepreneur mais sur le capital de la société. Il n’y a plus de confusion entre l’entreprise et l’entrepreneur, entre le patrimoine personnel et celui de l’organisation, entre les dettes personnelles et les dettes professionnelles. La règle des sociétés à responsabilité limitée, du moins lorsqu’elles fonctionnent comme des structures anonymes, est la limitation de la responsabilité des associés, y compris du dirigeant, à hauteur de leurs seuls apports.

2) Les opportunités fiscales

Le changement de structure de l’entreprise entraîne le changement du régime fiscal appliqué aux bénéfices. Le passage de l’IR à l’IS peut être l’un des buts recherchés par l’adoption d’un nouveau statut d’entreprise.
Mais à côté de cette orientation fiscale de fond, il peut exister des opportunités conjoncturelles favorables à celui qui investit dans une société, par exemple, les incitations fiscales. Celles-ci ont pour fonction première de soutenir l’activité économique et la création d’emploi. Ainsi le législateur a-t-il prévu d’encourager les investissements opérés dans les sociétés de type PME. Au service de ceux qui peuvent alléger leur impôt de solidarité sur la fortune, une telle mesure peut amener un entrepreneur individuel à apporter des fonds à sa propre entreprise, dont il fait une société bénéficiaire de ses investissements.

3) La transmission de l’entreprise

Transmettre une entreprise, en particulier dans le cadre familial, présente parfois des difficultés. Si un entrepreneur individuel veut laisser son affaire à un héritier, il faut que le partage successoral puisse s’opérer sans que l’attribution du fonds de commerce soit une cause de lésion des autres héritiers. D’autres problèmes existent pour celui qui souhaite transmettre son fonds de commerce à un étranger à la famille : en le cédant, il perd toute possibilité de conserver une place dans l’entreprise.

L’adoption du statut de société fait disparaître ces problèmes : la cession ou la transmission des parts peut se faire totalement ou partiellement, vers une ou plusieurs personnes de son choix. La seule règle juridique importante ici est celle du régime de l’agrément que la loi peut imposer à ces opérations sur le capital : dans une SNC, il faut l’accord unanime des autres associés ; dans une SARL, il faut l’approbation de la majorité des associés représentant les trois quarts du capital. Seules la SA et la SAS sont gouvernées par le principe de la liberté de cession des actions ; et encore cette règle n’est-elle pas absolue, les statuts pouvant stipuler une clause d’agrément.

B) Les préoccupations financières

Le développement de l’activité exige des moyens financiers. L’accès à certains modes de financement reste réservé à certaines structures. Ainsi, l’introduction en Bourse n’est-elle possible que pour des sociétés de capitaux importantes. Il y a là pour elles une opportunité d’accéder à des moyens de financement sans l’intermédiaire des banques. Le succès d’une telle opération dépend de la notoriété de l’entreprise et d’un jugement favorable porté par le public sur ses choix stratégiques. La personnalité ou la fortune personnelle des dirigeants n’ont alors plus aucune importance pour les investisseurs, qui peuvent s’associer aux projets de l’entreprise par l’actionnariat ou bien peuvent devenir des obligataires, simples prêteurs de fonds.

C) Les préoccupations stratégiques

Les dispositions légales favorables à la croissance de l’entreprise ne manquent pas. Il serait dommage pour le porteur d’un projet ambitieux de ne pas profiter de ces opportunités. Actuellement, les PME dites « de croissance » ayant opéré des embauches de façon signifi¬cative lors des deux dernières années bénéficient d’un régime fiscal et social avantageux, qui se traduit par des réductions d’impôt et des facilités de paiement des charges patronales. C’est là un exemple récent de règle favorable aux stratégies de croissance des PME.
Pour les grandes structures, la croissance fait partie du mode normal de mise en œuvre des stratégies : on ne peut pas se diversifier ni devenir une entreprise multinationale sans passer par la croissance. C’est le droit qui en organise les moyens : la filialisation, la prise de contrôle de sociétés tierces ou encore la fusion constituent autant de modes d’évolution des structures juridiques de l’organisation.



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